Axolotls et cie, Histoire de l'axolotl et mythe
top of page
histoire

La légende de l'axolotl et son histoire à travers culture et science.

L’axolotl : de la science à l’imaginaire

Il peut arriver qu’un animal possède un fort pouvoir d’évocation symbolique non en raison d’observations populaires mais à la suite d’observations scientifiques qui révèlent des caractéristiques insolites de l’animal. Celui-ci suscite alors non des croyances ou des mythes mais un imaginaire littéraire. C’est particulièrement le cas pour l’axolotl, larve d’une salamandre du Mexique, à peine mentionnée dans la mythologie aztèque Tout au plus l’axolotl – « chien d’eau » (atl, eau,... et aujourd’hui encore méconnue non seulement du grand public, à l’exception du Mexique, mais souvent même des personnes cultivées. L’axolotl a été au cœur d’une controverse scientifique au XIXe siècle et ses caractéristiques biologiques surprenantes ont inspiré non des mythes populaires mais un motif littéraire attesté dans plusieurs œuvres de fiction, des années 1950 à nos jours. 

Définition actuelle :

L’axolotl est la forme larvaire de l'Ambystoma mexicanum, une espèce de salamandre vivant dans les lacs des hauts plateaux du Mexique. Il mesure entre 20 et 25 cm de longueur, avec une queue aplatie latéralement et des branchies déployées sur les côtés de la tête. Il possède quatre doigts aux pattes avant et cinq  aux pattes arrières. Une crête membraneuse court sur son dos et le long de sa queue. La tête triangulaire possède deux grands yeux dépourvus de paupières. L’axolotl est de couleur gris-brun pour la variété sauvage ; en élevage, les axolotls sont le plus souvent dépigmentés, voire albinos. À l’état métamorphosé, l’axolotl a perdu ses branchies et sa crête membraneuse, il respire et vit sur terre, mais il a conservé sa queue . L’axolotl ne se transforme que très rarement et il peut se reproduire à l’état larvaire, phénomène appelé néoténie. L’absence de métamorphose est due à une insuffisance de sécrétion d’hormones thyroïdiennes due au milieu aquatique froid et pauvre en iode dans lequel vivent les axolotls. Des métamorphoses ont pu être obtenues expérimentalement chez des axolotls par l’injection d’iode ou d’hormones thyroïdiennes. On a également observé des métamorphoses spontanées chez des axolotls acclimatés aux plaines chaudes. Une seconde caractéristique biologique remarquable de l’axolotl est sa forte capacité de régénération : ses blessures guérissent en reconstituant les tissus et ses membres amputés repoussent (queue, pattes). L’axolotl est devenu un précieux animal de laboratoire pour les recherches expérimentales en embryologie et en physiologie. À l’état sauvage, l’animal est une espèce protégée, mais ses variétés dépigmentées et albinos sont autorisées à la commercialisation comme animaux domestiques.Ces connaissances sur l’axolotl sont toutefois relativement récentes puisqu'elles datent de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème. Peu à peu, en effet, la science a découvert les propriétés surprenantes de cet animal.

La controverse du 19ème siècleJusqu’au 18 ème siècle, l’axolotl était considéré comme une sorte de poisson. Le 19 ème siècle l’a correctement classé dans la catégorie des salamandres, mais en s’interrogeant sur sa nature larvaire ou définitive. En 1807, Georges Cuvier et Alexander von Humboldt expriment leur hésitation dans un opuscule intitulé Recherches anatomiques sur les reptiles, regardés encore comme douteux par les naturalistes, réalisé à l’occasion de l’axolotl. En 1829, dans la seconde édition de son Règne animal, Cuvier classe encore l’axolotl parmi les batraciens à branchies permanentes – « Tant de témoins, écrit-il, assurent qu’il ne les perd pas, que je m’y vois obligé » – mais c’est bien à contrecœur car il a l’intime conviction que l’axolotl est une larve de salamandre. Durant la première moitié du 19ème siècle, deux thèses opposées divisent les naturalistes. Pour les uns, comme Benjamin Barton, Johan Jacob von Tschudi, Luigi Calori ou Everard Horne, les axolotls sont une espèce distincte sous leur forme définitive et ne connaissent pas de métamorphose. D’autres naturalistes, au contraire, comme George Shaw, Pierre-André Latreille, Carl Mayer ou John Edward Gray, sont persuadés que les axolotls, bien qu’ils puissent se reproduire, sont des larves d’une espèce de salamandre dont on n’a pas encore pu observer la métamorphose à l’état adulte.Un événement crucial eut lieu en 1865. Le professeur Auguste Duméril, du Muséum d’histoire naturelle de Paris, qui avait reçu en 1864 plusieurs spécimens d’axolotls, observa une série de naissances : la plupart des nouveau-nés se développèrent en reproduisant la forme de leurs parents, mais quelques-uns subirent une transformation inattendue en salamandre terrestre, après avoir perdu leurs branchies et leur crête membraneuse. C’était la preuve que l’axolotl était bien une forme larvaire et non une forme achevée. Duméril publia en 1866 un mémoire intitulé « Observations sur la reproduction, dans la ménagerie des reptiles du Muséum d’histoire naturelle, des axolotls, batraciens urodèles à branchies extérieures du Mexique, sur leur développement et sur leurs métamorphoses ]Nouvelles Archives du Muséum d’histoire naturelle de.... Il concluait à la pertinence de la thèse larvaire. L’année suivante, Duméril publiait un second mémoire pour décrire une autre particularité des axolotls, leur pouvoir de régénération, qui donne parfois lieu à des anomalies anatomiques : « Description de diverses monstruosités observées à la ménagerie des reptiles du Muséum d’histoire naturelle sur les batraciens urodèles à branchies extérieures dits axolotls » . Dès la fin du XVIIIe siècle, des naturalistes avaient expérimenté la capacité de régénération des lézards et des tritons : chez ces derniers, un membre coupé sept fois de suite repoussait sept fois et un œil nouveau remplaçait celui dont on avait fait l’ablation. Concernant les axolotls, Duméril constate « combien est puissante la force qui, chez ces animaux, répare les pertes que les tissus ont subies »  Il est éclairant de comparer les deux articles consacrés à l’axolotl, à vingt ans d’écart, par le Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle (Larousse). Dans l’édition de 1866, les résultats de Duméril n’étant pas encore connus, la classification de l’axolotl est présentée comme douteuse alors que dans le 2e supplément, publié en 1888, l’axolotl est bien identifié comme une larve de salamandre et il est fait mention de sa capacité de régénération.

L’animal de laboratoire...

 

Dès le début du 20ème siècle, en raison de ses caractéristiques, l’axolotl apparaît aux scientifiques comme un remarquable animal de laboratoire pour l’étude de la biologie du développement et de l’évolution. Dans les années 1910-1920, Julian Huxley expérimente sur des axolotls à l’Université d’Oxford. Les métamorphoses provoquées artificiellement et le succès de greffes de membres surnuméraires sont parfois exploités idéologiquement comme une preuve de la supériorité des thèses prônant la modification provoquée des espèces naturelles (le lyssenkisme) sur la théorie du déterminisme génétique : « L’expérience pratiquée sur l’axolotl a permis aux savants soviétiques de porter un nouveau coup aux théories réactionnaires », peut-on lire dans les Études soviétiques.Les spécificités biologiques de l’axolotl – possibilité de métamorphose, capacité de régénération, aptitude aux greffes, fréquence des mutations génétiques dans l’espèce – sont d’un grand intérêt pour la compréhension des mécanismes du développement normal ou anormal (cancer) des cellules, des organes, des membres, ainsi que du rôle des hormones et des gènes. On teste sur l’axolotl les effets des vitamines, des rayons X, des hormones, des modifications du milieu, des greffes, des manipulations génétiques, etc. Une recherche du mot « axolotl » sur Google : Les termes les plus fréquents sont significatifs : « régénération », « développement », « évolution », « métamorphose », « mutation ». La dimension « fantastique » pour un profane – est présente : mutants blancs, aveugles ou albinos, changements de sexe, greffes de pattes et même de têtes supplémentaires . N. J. De Both, « Transplantation of Axolotl heads ».

L’inclassabilité

La science s’est heurtée au problème de la place de l’axolotl dans la classification des animaux. Comme l’écrit H. M. Smith, « aucun animal […] n’a été plus diversement traité de manière taxinomique que l’axolotl H. M. Smith, : On a d’abord hésité à le classer parmi les poissons ou parmi les amphibiens, puis on a discuté de sa place parmi les amphibiens ayant acquis leur forme définitive ou encore à l’état larvaire. La découverte de sa néoténie a fait de lui un animal paradoxal qui peut se reproduire à l’état larvaire.L’anthropologue Mary Douglas a montré que les animaux perçus comme inclassables dans une culture – par exemple le porc chez les Hébreux, parce qu’il a les pieds fendus mais ne rumine pas, ou le pangolin chez les Lele d’Afrique, parce qu’il vit sur terre mais possède des écailles comme un poisson – se voient nécessairement investis d’une charge symbolique.La possible métamorphoseL’axolotl relève bien évidemment de l’imaginaire de la métamorphose, si présent dans les mythes, les légendes, les contes et la littérature fantastique, depuis Ovide jusqu’à Kafka.La spécificité de la métamorphose de l’axolotl est d’être « possible », à la différence du têtard qui se transforme obligatoirement en grenouille, et de certains amphibiens, comme le protée, dont la métamorphose est impossible. La métamorphose facultative suscite une série de questions. Pourquoi n’y a-t-il pas de métamorphose ? Qu’est-ce qui peut déclencher la métamorphose ? Quelle est l’apparence de l’animal après la métamorphose ? Sachant que l’axolotl est la forme larvaire d’une salamandre, le symbolisme de l’axolotl va rejoindre celui des amphibiens à métamorphose, comme la grenouille, c’est-à-dire des animaux qui passent à un niveau supérieur de développement, et l’axolotl a d’autant plus de « mérite » que cette transformation est « facultative ». La métamorphose des batraciens est typiquement le passage d’un monde inférieur (état larvaire, eau) à un monde supérieur (état adulte, air et terre). Chez la grenouille, l’abandon de la queue, qui représente l’animalité, est fortement symbolique. Cet animal est symbole de naissance et de renaissance après la mort chez les anciens Égyptiens et les chrétiens. Pour l’esprit moderne, la métamorphose des batraciens est une image emblématique du processus évolutif, qu’il s’agisse de l’origine aquatique de la vie et de l’adaptation aérienne d’espèces sorties de la mer, ou bien de la naissance humaine lorsque le nouveau-né quitte le liquide amniotique pour l’air libre.Des biologistes ont souligné la durée exceptionnellement longue de la période juvénile dans l’espèce humaine et n’ont pas hésité à appliquer à l’homme le terme de « néoténie » ouvrant ainsi la voie à l’idée que l’humanité est peut-être comparable à des axolotls, en attente de quelque métamorphose. Ce motif ne manquera pas d’être exploité par la littérature de l’imaginaire.

La régénération

 

L’étonnante capacité de l’axolotl à régénérer des tissus lésés, des organes endommagés ou des membres amputés évoque naturellement des références mythologiques ou légendaires : la repousse magique de têtes tranchées, par exemple l’hydre de Lerne affrontée par Hercule, ou de jambes coupées ; la guérison miraculeuse de plaies qui se referment. En expérimentant sur les axolotls, la science cherche à réaliser le rêve de techniques médicales permettant à l’homme de régénérer des parties de son corps malades ou mutilées.

ambystoma-mexicanum.jpg

L'axolotl mexicain, "monstre aquatique" en langue nahuatl, objet de la curiosité scientifique pour sa capacité à régénérer des organes endommagés comme l'oeil ou le cerveau, est menacé d'extinction en raison de la pollution de son habitat à Xochimilco, zone lacustre du sud de Mexico.

Cette petite créature (Ambystoma mexicanum) qui peut atteindre 30 centimètres vit, se reproduit et meurt entre 10 et 20 ans en étant toujours à l'état de larve.

La couleur de cette petite salamandre qui refuse la métamorphose peut aller du blanc laiteux au noir d'encre, en passant par le vert olive. L'axolotl peut pondre jusqu'à 1.500 oeufs par quatre fois par an.

L'animal fascine les biologistes qui étudient sa programmation cellulaire lui permettant une forte résistance au cancer et la possiblité de récréer certaines parties de son cerveau ou de se regénérer un oeil.

Mais c'est une espèce en risque de disparition. On ne trouve maintenant que 0,3 axolotl par kilomètre carré contre 1.000 en 1996, selon un relevé réalisé cette année par l'Université nationale autonome du Mexique (Unam) dans les labyrinthes aquatiques de Xochimilco.

Cela est dû à la "mauvaise qualité de l'eau", polluée par les eaux usées de la mégalopole, les pesticides déversés par les cultivateurs locaux et les déchets laissés par les milliers de touristes qui visitent ce quartier, vestige de Tenochtitlan, le Mexico de l'ère préhispanique, explique Cristina Ayala, experte en sciences biologiques.

A cela s'ajoute l'introduction depuis les années 70 de milliers de poissons destinés à la pêche, comme la carpe de Chine ou le tilapia d'Afrique. Ils adorent les oeufs de l'axolotl et sont un rude concurrent pour son alimentation.

Tentative de sauvetage

Un groupe de scientifiques de l'Unam a mis en place, sous les auspices de l'université britannique du Kent, un projet pour tenter de sauver l'animal. Il s'agit d'essayer de convaincre les agriculteurs locaux d'abandonner l'utilisation des pesticides et l'aquaculture d'espèces étrangères, pour que l'axolotl puisse de nouveau se développer dans un environnement favorable.

En échange, on donnerait aux produits agricoles locaux une certification écologique, avec la valeur ajoutée que cela peut signifier sur le marché.

Pour le moment, trois canaux expérimentaux de Xochimilco ont permis la reproduction d'une centaine d'animaux, explique Horacio Mena, coordinateur du projet, qui inclut un élevage en laboratoire.

Une dizaine d'agriculteurs ont été convaincus d'adopter un système permettant le maintien de la propreté des canaux grâce à des plantes aquatiques.

La localisation de ces "refuges" est gardée secrète afin d'éviter le vol d'axolotl pour le revendre comme animal domestique ou pour la confection de potions médicales.

L'axolotl "se développe dans beaucoup de laboratoires dans le monde, dans des aquariums. Bien qu'il soit ainsi préservé de manière artificielle, il y vit une vie plus cosmopolite et transnationale", dit en souriant l'anthropologue mexicain Roger Bartra.

Pour lui, la capacité de l'animal à rester une larve est une métaphore de l'identité mexicaine après la révolution du début du XXe siècle, un être "stagnant dans une apparente jeunesse éternelle", mais incapable d'aller vers la modernité.

Source: 

AFP

une-salamandre-aquatique-ambystoma-dumer

Pátzcuaro (Mexique) -

 

Le ronronnement des filtres à aquariums trouble la quiétude du monastère: plusieurs heures par jour, des religieuses mexicaines interrompent leurs prières pour prendre soin de leur élevage d'achoques, des salamandres aquatiques qui fascinent les scientifiques pour leur capacité à régénérer leurs organes endommagés.

Le lac de Patzcuaro, dans l'Etat du Michoacan (ouest), est l'habitat naturel de l'ambystoma dumerilii, le nom scientifique de cette espèce d'amphibiens. Mais la pollution de cette vaste entendue d'eau et l'introduction de poissons prédateurs ont fait chuter la population d'achoques. 

Au point que cette salamandre aquatique à la peau verte-brune tachetée de noir, et dont les branchies externes font penser à une collerette marron et spongieuse, a été inscrite sur la liste rouge des espèces menacées de l'Union internationale de conservation de la nature (UICN): dans la catégorie "en danger critique", juste avant celle "éteinte à l'état sauvage". 

"Il reste très, très peu d'achoques en liberté", leur nombre a baissé "de manière dramatique" depuis les années 1980, déclare à l'AFP Maria Esther Quintero, en charge des espèces protégées auprès de la Conabio, entité du gouvernement mexicain qui étudie la biodiversité. 

A l'image de son cousin l'axolotl mexicain (Ambystoma mexicanum), "monstre aquatique" en langue nahuatl, également menacé d'extinction en raison de la pollution de son habitat à Xochimilco, zone lacustre du sud de Mexico, l'achoque peut régénérer ses cellules, ce qui intéresse grandement les chercheurs, notamment dans la lutte contre le cancer.  

Pour ces raisons, l'achoque est prisé pour ses vertus médicales supposées et consommé en soupe ou en sirop. Les nonnes du monastère Marie immaculée de la santé, dans la ville de Patzcuaro, en préparent et en vendent depuis plus d'un siècle.  

- "Un mâle et trois femelles" - 

Quand elles ont vu que les créatures à l'origine de leur gagne-pain étaient menacées, les religieuses ont décidé d'agir. Sous l'impulsion d'un prêtre biologiste de formation, elle ont retroussé les manches de leur habit blanc et lancé un élevage entre les murs du monastère. 

"Si on faisait rien, (l'achoque) allait s'éteindre (...) C'est pour être juste avec la nature que nous avons commencé à travailler pour préserver cette espèce", explique soeur Maria del Carmen Pérez. 

Au fil des années, les religieuses de ce monastère sont devenues de véritables expertes de cette salamandre. Elles ont ainsi constaté que les résultats étaient bien meilleurs dans le cadre de la reproduction "avec un mâle et trois femelles", explique à l'AFP soeur Ofelia Morales Francisco, qui se consacre à cette espèce depuis 18 ans.  

Elles ont également compris que la première femelle à pondre des oeufs devait rester dans le même aquarium, tandis que les autres étaient transférées vers d'autres bocaux. Ils remplissent deux pièces entières de ce bâtiment religieux situé au sommet d'une colline de la ville de Patzcuaro. 

Sous le regard d'un enfant Jésus et d'une croix placés à proximité de l'aquarium-nurserie, chacune des femelles pond entre 300 et 400 oeufs à chaque ponte. 

Vient ensuite une étape délicate: "prendre soin des petits car il y a un certain cannibalisme entre eux", poursuit soeur Ofelia, qui consacre quelque six heures par jour à la reproduction des salamandres. Celles-ci se nourrissent de crustacés, de petits poissons et de différents types de vers de terre.  

Les religieuses sont aujourd'hui au maximum des capacités de leur élevage, qui accueille 300 individus. Mais le lac reste trop pollué pour accueillir à nouveau des achoques, explique soeur Ofelia. 

- Dons et sacrifices -  

"C'est pourquoi nous donnons une parte de cette population aux universités. Le reste des achoques en surnombre, on le sacrifie pour faire les sirops", indique-t-elle, soulignant que les nonnes cuisinent aussi régulièrement de "délicieuses soupes" à base d'achoques. 

Soeur Ofelia refuse en revanche de s'étendre sur les recettes de la vente des sirops.  

Pour Maria Esther Quintero, l'experte des autorités mexicaines en charge de la biodiversité, ces religieuses représentent "le plus grand espoir" pour préserver cette espèce qui "possède le génome le plus important que l'on connaisse", toutes espèces confondues sur Terre. 

Cette créature, qui peut mesurer jusqu'à 20 centimètres de long, est "très importante dans le cadre de recherches sur la reproduction de tissus chez les humains", ajoute Mme Quintero. 

Le Zoo de Chester, à proximité de Liverpool en Angleterre, travaille en partenariat avec une équipe mexicaine pour déterminer le nombre précis d'achoques restants dans le lac de Patzcuaro. 

L'achoque est le frère jumeau terrible du dieu Quetzalcoatl, selon la mythologie purepecha, peuple amérindien originaire de l'Etat de Michoacan. Mme Quintero estime que si les espèces envahissantes, comme la carpe, étaient éliminées du lac, l'achoque pourrait retourner dans l'eau où, selon cette mythologie, il s'était caché afin de ne pas être sacrifié. 

L’axolotl comme mythe littéraire

Trois écrivains ont exploité de manière significative le motif de l’axolotl, dans les différents genres de la littérature de l’imaginaire : Robert Abernathy (L’axolotl, 1954) pour la science-fiction, Julio Cortazar (Axolotl, 1956) pour le fantastique,Caza (Axolotls, 1982) pour la fantasy  Éditions utilisées : « L’axolotl » de Robert Abernathy.... Ce n’est pas un hasard si le mot « axolotl » figure dans tous les titres, même chez Cortazar qui aurait pourtant pu employer le terme espagnol ajolote. Le mot « axolotl », indépendamment de son origine aztèque, possède une connotation d’étrangeté, voire même « extraterrestre » , et rappelle les noms donnés par Lovecraft Écrivain américain (1890-1937) connu pour ses récits... à ses divinités (Cthulhu, Yog-Sothoth…).

Axolotl (1956) de Julio Cortazar :Cette nouvelle fantastique de l’écrivain argentin raconte comment un homme, fasciné par les axolotls du Jardin des Plantes de Paris, se retrouve dans le corps de l’un d’eux, tandis que l’esprit de l’axolotl prend possession de son enveloppe charnelle humaine. « Je collai mon visage à la vitre de l’aquarium, mes yeux essayèrent une fois de plus de percer le mystère de ces yeux d’or sans iris et sans pupille. Je voyais de très près la tête d’un axolotl immobile contre la vitre. Sans transition, sans surprise, je vis mon visage contre la vitre, je le vis hors de l’aquarium, je le vis de l’autre côté de la vitre. Puis mon visage s’éloigna et je compris » p. 263.. Comme le narrateur prétend être devenu un axolotl et se trouver dans un aquarium, il faut justifier l’existence matérielle du récit : Cortazar trouve une solution astucieuse à ce problème en faisant de lui-même l’homme dont l’esprit est celui d’un axolotl. Le narrateur termine en effet son récit par la phrase suivante : « Cela me console de penser qu’il [l’humain dans lequel est passé l’esprit de l’axolotl] va peut-être écrire quelque chose sur nous ; il croira qu’il invente un conte et il écrira tout cela sur les axolotls »  p. 264.. Ainsi, le narrateur est un homme devenu axolotl et l’écrivain est un axolotl devenu humain. Le jeu des métamorphoses – qui est plutôt ici un échange de corps, ou d’esprits – apparaît plus complexe encore lorsque le conte laisse entendre que les axolotls, avec leur immobilité quasi minérale, leurs « visages aztèques [qui incitent à] tomber dans la mythologie » p. 262., conduit le narrateur à « voir dans les axolotls une métamorphose qui n’arrivait pas à renoncer tout à fait à une mystérieuse humanité ». Les axolotls semblent témoigner d’« un lointain royaume aboli, un temps de liberté où le monde avait appartenu aux axolotls » , p. 263.. On est ainsi tenté de faire des axolotls une figure symbolique des civilisations précolombiennes disparues. L’insistance avec laquelle Cortazar rappelle leur nom aztèque, leur visage et leur corps de pierre, mais aussi son identification aux axolotls, vont dans ce sens. Cette hypothèse est confirmée par deux chercheurs américains qui retrouvent ce motif du « double » indien et de l’échange de personnalité dans une autre nouvelle de Cortazar, La nuit face au ciel(1956), où un motocycliste accidenté en train de mourir dans un hôpital s’identifie à un guerrier sacrifié par les Aztèques T. J. Knight & A. H. Krull, « The Hidden Indian in....Le conte de Cortazar évoque aussi le célèbre apologue chinois où le sage Tchouang-Tseu, qui rêve qu’il est un papillon, se demande à son réveil s’il n’est pas un papillon en train de rêver qu’il est Tchouang-Tseu. L’axolotl, emblème de la métamorphose et de l’inclassabilité, auxquelles s’ajoute une connotation aztèque, a ainsi inspiré Cortazar pour ce récit où sont abolies les frontières séparant l’homme et l’animal, le passé et le présent, le Blanc et l’Indien, le vivant et le minéral.

L’axolotl (1954) de Robert Abernathy :Dans ce récit, publié sept ans avant que des hommes ne soient envoyés dans l’espace, Abernathy imagine que le premier astronaute quittant l’atmosphère terrestre subit une métamorphose qui le transforme en un être nouveau, doué de pouvoirs supérieurs. La référence à l’axolotl est explicite, non seulement dans le titre, mais encore dans des paragraphes en contrepoint du texte principal, qui décrivent la vie et la transformation de l’amphibien mexicain. L’analogie est systématiquement développée. Tel l’axolotl, l’homme est décrit comme une forme inachevée qui a la capacité de se reproduire à l’état larvaire : « Pendant longtemps les biologistes nous ont raconté que l’homme n’était qu’un fœtus attardé, une sorte d’embryon qui vieillit sans jamais vraiment parvenir à l’état adulte. Maintenant je sais pourquoi : les conditions de maturité, la destinée pour laquelle nous avons été créés, n’existent pas sur terre… » R. Abernathy, op. cit., p. 57.. Certains axolotls, poussés par leur instinct, quittent la « vase noirâtre [des] eaux stagnantes »  pour aller vers l’air, la terre et la lumière ; de même, le héros d’Abernathy est mu par une force irrépressible qui le conduit à s’arracher à la Terre et à sa pesanteur, afin de rejoindre l’espace et les étoiles. Lors de sa métamorphose, l’axolotl perd ses branchies et la crête membraneuse lui permettant de nager ; l’astronaute voit tomber ses ongles, vestiges de notre animalité, et ses poumons deviennent inutiles dans le vide spatial. La transformation a lieu après le passage de la fusée à travers des « rayons cosmiques primaires [qui sont] au déchaînement de rayons gamma produit par une explosion atomique ce qu’est, au doux clapotis d’une pluie d’été, une rafale de mitrailleuse » p. 49.. Cette précision mérite d’être commentée : elle associe à nouveau l’homme et l’axolotl puisque, dans les années 1950, on croyait que le voyage spatial serait très dangereux en raison des rayons cosmiques et, parallèlement, on étudiait les effets mutagènes de la radioactivité sur les axolotls. Enfin, à l’instar de la larve blafarde de l’axolotl qui se transforme en salamandre tigrée, « nouvelle créature […] aux petits yeux brillants, couverte de superbes rayures noires et or »  p. 52., l’homme de l’espace devient une sorte d’ange aux capacités physiques et psychiques décuplées. À la fin de la nouvelle, le héros annonce que l’humanité tout entière, en entrant dans l’ère de la conquête de l’espace, est appelée à se métamorphoser.

Axolotls (1982) de Caza :Auteur de fantasy, ou « science-fiction mythologique », Caza s’inspire de mythes et de légendes provenant de traditions diverses pour créer ses mondes imaginaires  Voir J.-B. Renard, « L’imaginaire mythologique de Caza.... Le récit en bandes dessinées Axolotls mêle l’influence de la nouvelle d’Abernathy, selon les dires de Caza lui-même, aux références mythologiques grecques et hébraïques.Sur une planète inconnue, en un temps indéterminé, vivent les Axolotls, créatures humanoïdes grossières, vertes, flasques, aux mains palmées, vautrées dans des marécages puants. L’un d’eux, nommé Promez, s’extirpe de la boue originelle et, par défi, grimpe sur la statue colossale du dieu Zeutàn. Le feu du ciel s’abat alors sur l’impie, mais en provoquant sa métamorphose en Salamandre, sous le nom de Luz’ifer. Tandis que la statue de Zeutàn s’effondre, tout le peuple des Axolotls, sous l’effet du feu, se transforme en Salamandres. À l’inverse des Axolotls, les Salamandres se tiennent debout, ils sont de couleur rouge, leur peau est couverte d’écailles et ils vivent dans le feu.L’imaginaire zoologique de l’axolotl est ici anthropomorphisé sous la forme d’humanoïdes. S’y ajoutent des références mythologiques manifestes : on reconnaît le mythe grec de Prométhée (Promez) volant le feu à Zeus (Zeutàn = Zeus + Wotan), tout comme le mythe hébraïque de Lucifer (étymologiquement « porteur de lumière ») qui se révolte contre Dieu. Comme souvent chez Caza, un rapprochement peut être fait avec William Blake qui, dans Le Livre d’Urizen (1794), a exploité ce mythe de la rébellion contre Dieu. La métamorphose de l’Axolotl en Salamandre rappelle aussi la légende juive selon laquelle l’Adam primordial était une créature sans intelligence qui se déplaçait en rampant : il n’acquit la posture verticale que lorsque Dieu lui donna une âme  L. Ginzberg, Les Légendes des Juifs, Paris, Cerf, 1997,.... Le symbole du feu permet à Caza de faire le lien entre Prométhée, Lucifer et les Salamandres, qu’une croyance magique identifie aux « esprits du feu ». Le Salamandre Luz’ifer est la figure symbolique d’une renaissance, voire d’une résurrection. Du monde aquatique, froid et obscur, où vivent les Axolotls, s’élève un appel quasi christique : « Père, nous as-tu abandonnés ? Nous végétons dans les vallées de l’ombre, tandis que ton front touche aux lumières du ciel ! »  Caza, op. cit., p. 43. Après sa mutation, le Salamandre devient un Homo erectus, dans tous les sens du terme : il acquiert la station verticale, passant de l’animalité asservie à l’« humanité » libérée, et son pénis mou d’Axolotl est devenu un phallus triomphant. L’historien de l’art Leo Steinberg a montré que l’érection sexuelle a été un symbole fréquent de la résurrection, depuis Osiris jusqu’au Christ, en passant par les dieux ithyphalliques de l’Antiquité gréco-romaine L. Steinberg, La Sexualité du Christ dans l’art de....

Conclusion

 

Reprenant une idée avancée par Henri Bergson, Caillois considère que les comportements instinctifs des animaux ont leur double dans l’imagination symbolique de l’homme. Ce qui est instinct biologique chez le premier est représentation mythique chez le second Voir R. Caillois, Le Mythe et l’Homme, Paris, Gallimard,.... Par exemple, le comportement de la mante religieuse ou de certaines araignées a pour correspondant le motif mythique de la femelle démoniaque dévorant ou castrant l’homme qu’elle a séduit. Il en est de même pour l’axolotl, dont la néoténie, la possible métamorphose et la capacité de régénération correspondent au mythe du refus de grandir, à l’espérance d’une résurrection et au rêve de l’autoguérison.On trouve d’autres illustrations de cet imaginaire dans la culture contemporaine, quoique de manière marginale, au-delà des trois œuvres présentées plus haut. Ainsi Frank Herbert, auteur du célèbre cycle de science-fiction Dune (1969-1984), a nommé axolotl tank (« caisson axolotl ») un « appareil pour la reproduction d’un être humain vivant à partir de cellules de son cadavre »  Dans l’univers ludique enfantin, marqué par les créations japonaises, on trouve une référence explicite à l’axolotl dans quelques personnages des Pokémons, créés en 1996 ainsi Wooper est une figuration simplifiée de l’axolotl avec ses branchies externes et sa queue plate. D’ailleurs le nom Wooper vient de wooper looper, phonétisation anglaise des mots japonais upa rupa (prononcer « oupa loupa ») qui désignent au Japon les axolotls vendus comme animaux domestiques. Le nom français de Wooper est Axoloto ! La créature peut se transformer en Quagsire, qui signifie « le seigneur des marécages », d’où son nom français : Maraiste. Ce n’est que métaphoriquement, enfin, que des auteurs invoquent la figure de l’axolotl. Dans son ouvrage sur les Mexicains (La Jaula de la melancolia : identidad y metamorfosis del Mexicano, 1987), l’anthropologue Roger Bartra considère qu’à l’instar de l’axolotl l’identité mexicaine est larvaire et comme condamnée à rester inachevée. Le philosophe Gilles A. Tiberghien, dans Le Principe de l’axolotl (1990), fait du voyageur contemporain le « lieu d’un devenir qui ne s’accomplit jamais », tandis que la romancière Myriam Donzelot, dans La Métamorphose de l’axolotl(2004), décrit les incertitudes psychologiques de son héroïne.

________________________________________

 

Références bibliographiques•R. Abernathy, « L’axolotl », in Histoires de cosmonautes, Paris, Le Livre de Poche, 1974, pp. 39-58.•R. W. Balch et David Taylor, « Le culte des OVNI », Psychologie, n° 85, février 1977, pp. 35-41.•J. Bourke, « Popular medicine, customs, and superstitions of the Rio Grande »,The Journal of American Folklore, vol. 7, n° 25, avril-juin 1894, pp. 119-146.•P. Brunel, Le Mythe de la métamorphose, Paris, Armand Colin, 1974.•R. Caillois, Le Mythe et l’Homme, Paris, Gallimard, 1972 (1938).•R. Caillois, La Pieuvre. Essai sur la logique de l’imaginaire, Paris, La Table Ronde, 1973. Caza, « Axolotls », in Caza, Arkhê, Genève, Les Humanoïdes Associés, 1991, pp. 39-48.•J. Cortazar, « Axolotl », in R. Caillois (éd.), Anthologie du fantastique, t. II, Paris, Gallimard, 1966, pp. 259-264.• N. J. De Both, « Transplantation of Axolotl heads », Science, vol. 162, n° 3852, 1968, pp. 460-461.•C. Desroches Noblecourt, Le Fabuleux Héritage de l’Égypte, Paris, Éditions Pocket, 2006, chap. III, pp. 52-63.•M. Donzelot, La Métamorphose de l’axolotl, Paris, L’Harmattan, 2004.•M. Douglas, De la souillure. Essais sur les notions de pollution et de tabou, trad. A. Guérin, Paris, François Maspero, 1971 (1967).•Études soviétiques, n° 45, 1952, p. 78.•L. Ginzberg, Les Légendes des Juifs, Paris, Cerf, 1997, t. I, p. 202.•Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle (Larousse), tome 1, 1866, p. 1100.•Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle (Larousse), 2e supplément, tome 17, 1888, p. 428.•F. Herbert, Les Hérétiques de Dune, Cycle de Dune, tome 5, Paris, Pocket, 1984.•F. Herbert, L’Empereur-dieu de Dune, Cycle de Dune, tome 4, Paris, Pocket, 1981.•F. Herbert, Le Messie de Dune, Cycle de Dune, tome 2, Paris, Pocket, 1969.•D. Kiley, Le Syndrome de Peter Pan, trad. J. Duriau, Paris, Laffont, 1985 (1983).• T. J. Knight & A. H. Krull, « The Hidden Indian in Cortazar’s “Axolotl” », Journal of Interamerican Studies and World Affairs, vol. 15, n° 4, nov. 1973, pp. 488-493.•L. Lazard, « Néoténie », Encyclopædia Universalis, t. 16, 2002, pp. 35-36.•S. Lequeux, « En martien dans le texte : panorama du vocabulaire extraterrestre dans la littérature francophone de science-fiction » in J. Rousseau (éd.),L’Invention verbale en français contemporain, Paris, Les Cahiers du CIEP / Didier, 2003, pp. 46-54.•Nouvelles Archives du Muséum d’histoire naturelle de Paris, tome 2, 1866, pp. 265-292.•Nouvelles Archives du Muséum d’histoire naturelle de Paris, tome 3, 1867, pp. 119-130.•G. Posener, Dictionnaire de la civilisation égyptienne, Paris, Hazan, 1959, p. 196.•J.-B. Renard, « De l’instinct animal au mythe humain. Note sur la théorie continuiste du mythe », Cahiers de l’imaginaire, n° 22, 2007, pp. 11-15.•J.-B. Renard, « L’imaginaire mythologique de Caza » in Collectif, Caza. Une monographie, Saint-Égrève (Isère), Mosquito, 2000, pp. 100-110.•J.-B. Renard, Les Extraterrestres. Une nouvelle croyance religieuse ?, Paris, Cerf, 1988.• H. M. Smith, « The Mexican Axolotl : some misconceptions and problems »,BioScience, vol. 19, n° 7, juillet 1969, pp. 593-615.•L. Steinberg, La Sexualité du Christ dans l’art de la renaissance et son refoulement moderne, trad. J.-L. Houdebine, Paris, Gallimard, 1987 (1983).•S. Thompson, Motif-Index of Folk-Literature, vol. 2, Bloomington, Indiana University Press, 1989 (1955-1958).•G. A. Tiberghien, Le Principe de l’axolotl, Paris, Actes Sud, 1990.

bottom of page